Résumés

Yann BÉRARD : Micropolitique de l'Union européenne: dans les plis du gouvernement à distance

Micropolitique n’est pas synonyme de politique locale, ni même d’agir localement: chez Gilles Deleuze et Félix Guattari, l’adjectif désigne ce qui fait à la fois coupure et couture avec l’horizon politique, selon des modalités d’assemblage dont il revient essentiellement aux "centres de pouvoir" d’assurer la coordination. Transposée à la catégorie des objets institutionnels tels que l’Union européenne, l’entrée micropolitique conduit à prendre au sérieux le travail des associations et l’inscription inaugurale des possibilités d’agir sur le monde à distance qui siéent aux réseaux sociotechniques. À partir d’une enquête ethnographique dans deux bureaux d’études, cette communication explore et interroge l’hypothèse d’un lien consistant entre le fait de "bien gouverner" à l’échelle européenne et le développement d’une ingénierie de services moderne, intervenant auprès des services de l’administration communautaire.

Yann Bérard est maître de conférences en science politique à l’Université des Antilles et de la Guyane et membre du Centre de recherche sur les pouvoirs locaux dans la Caraïbe (UMR 8053).

Publications

Yann Bérard, Renaud Crespin (dir.), Aux frontières de l’expertise. Dialogues entre savoirs et pouvoirs (préface de Jean-Yves Trépos), Rennes, PU de Rennes, coll. "Res Publica", 2010, 277 p.

Yann Bérard, "Rendre visible l’existence d’un pouvoir à distance. Esquisse d’une sociologie pragmatique du CV d’expert appliquée à l’UE", dans Fabrizio Cantelli, Marta Roca i Escoda, Joan Stavo Debauge, Luca Pattaroni (dir.), Sensibilités pragmatiques. Enquêter sur l’action publique, Bruxelles, P.I.E. Peter Lang, coll. "Action publique", 2009, p. 375-397.
 

Fabrizio CANTELLI : De la Banque Mondiale au "Black Power": comment écrire les visages de l’empowerment?

Peut-on considérer l’empowerment comme une catégorie dotée d’une existence propre? Comment l’enquêteur peut-il décrire l’empowerment? Comment saisir à la fois la diversité d’acteurs, d’institutions et d’argumentaires qui s’emparent de cette catégorie tout en considérant la grande variété des échelles temporelles qui sont concernées? Il s’agit ici de questionner les outils et méthodes permettant d’étudier les types de capacités et la définition des pouvoirs en jeu quand il est question d’empowerment et leurs manières de se fixer plus ou moins durablement dans la vie politique et dans le paysage institutionnel. Cette contribution prend appui sur une enquête portant sur les visages plus gestionnaires de l’empowerment (Banque mondiale, fondations européennes) et sur les visages plus civiques de l’empowerment (black power, mouvements sociaux des années 1960-1970 aux Etats-Unis).

 

Fabrizio Cantelli coordonne la Ligue des Usagers des Services de Santé. Maître de conférences à l’Université libre de Bruxelles et membre du Groupe de Recherche sur l’Action Publique, il est chercheur associé au PACTE-CNRS (IEP de Grenoble). Ses recherches portent sur les transformations de l’action publique et sur la participation citoyenne dans le domaine de la santé. Depuis quelques années, il conduit une étude sur la catégorie d’empowerment, invitant à une relecture des questions liées aux capacités et au pouvoir.

Publications

L’Etat à tâtons. Pragmatique de l’action publique face au sida, PIE Peter Lang, 2007.

"Towards Democratic Governance of Uncertainty? Contesting notions of Participation, Control and Accountability", Journal of Risk Research, 2011 (avec N. Kodate et K. Krieger).

Sensibilités pragmatiques. Enquêter sur l’action publique, PIE Peter Lang, 2009 (avec M. Roca, J. Stavo-Debauge et L. Pattaroni).

Action publique et subjectivité, LGDJ, 2007 (avec J-L. Genard).

Les constructions de l’action publique, L’Harmattan, 2007 (avec J-L. Genard, S. Jacob et C. De Visscher)


Didier DEBAISE : Un univers de possessions. L'approche spéculative des sociétés

Au début du XXe siècle, G. Tarde proposait une définition pour le moins surprenante du concept de "société": "la possession réciproque, sous des formes extrêmement variées, de tous par chacun"(1). En aucun cas, cette définition ne devait, dans son esprit, se limiter aux seules sociétés humaines, mais elle devait établir un point de jonction entre toutes les formes d’organisation sociale. Ainsi, Tarde n’hésite pas à écrire: "toute chose est une société, tout phénomène est un fait social"(2). De la matière inerte aux organisations sociales, nous retrouverions, sous des formes variées, une même logique qui se déploierait à des échelles différentes, et donc à l’intérieur de nouvelles contraintes, de rapports de possessions réciproques. Mais si Tarde l’annonce, le programme d’une philosophie plus générale de la possession ne s’arrête pas à lui. Elle se déploie dans une multiplicité de philosophies qui ont toutes cherché, chacune à leur manière, à affirmer l’importance d’enquêtes sur la constitution des sociétés à partir des dynamiques de la possession.

(1) Tarde, Monadologie et Sociologie, p. 85.

(2) Ibid., p. 58.

Didier Debaise est chercheur au Fonds National de la Recherche Scientifique (FNRS) et attaché à l’Université Libre de Bruxelles où il enseigne la philosophie contemporaine.

Publications

Un empirisme spéculatif (Paris, Vrin, 2006).

Le vocabulaire de Whitehead (Paris, Ellipses, 2007).

Les sujets de la nature, Presses Universitaires de France (à paraître).

ll a édité plusieurs ouvrages tels que Vie et expérimentation (Paris, Vrin, 2007) et Philosophie des possessions (Paris, Presses du réel, 2011) et écrit des articles sur les philosophies de Bergson, Tarde, Simondon, Deleuze et Whitehead.

 

David DESALEUX & Emmanuel MARTINAIS : Photographier la réforme de l'Etat. Les bureaux comme révélateurs d'un collectif de travail

Notre contribution ouvre une fenêtre sur un monde mal connu du grand public, bien que fortement médiatisé: la fonction publique d'État. Elle rend compte d’une recherche sur l’ex-direction départementale de l’équipement (DDE) du Rhône, menée selon une méthode d’investigation associant observation, photographie et recueil de données sociologiques par entretiens. Cette enquête originale dans les locaux de cette administration est l’occasion d’une réflexion sur l’utilisation de la photographie dans le cadre d’une démarche de type ethnographique. Elle questionne notamment la façon dont cette association façonne le regard de l’observateur sur son objet d’étude et le conduit à donner consistance aux lieux investigués, mais aussi aux fonctionnaires rencontrés, interrogés et parfois (mais plus rarement) photographiés. Incidemment, notre contribution s’intéresse à l'administration en tant que monde professionnel, plus précisément au travail des fonctionnaires sur leurs lieux de production, aux activités qu’ils accomplissent quotidiennement et aux changements qu’ils doivent affronter dans le cadre des réformes de modernisation engagées depuis une dizaine d’années.

Emmanuel Martinais est chargé de recherche au laboratoire EVS-RIVES de l’ENTPE (Université de Lyon, CNRS, UMR 5600). Ses travaux portent sur la sécurité urbaine et la prise en charge des risques industriels, naturels et sociaux par des dispositifs de politique publique. Depuis 2003, il s’intéresse aux suites de la catastrophe d’AZF de 2001, à la réforme législative et réglementaire que cet événement a suscité et aux effets produits sur la mise en oeuvre de la politique de prévention des risques industriels. Ces recherches, menées au plus près des acteurs de terrain, l'ont porté vers le travail des agents ministériels chargés d’élaborer les textes d’application de cette loi, puis de les mettre en oeuvre localement. Cet intérêt pour l’administration et l’observation des fonctionnaires d’Etat au travail justifie d'ailleurs ses travaux les plus récents consacrés à la réforme de l’Etat et à la réorganisation des services déconcentrés du ministère de l’écologie et du développement durable. Depuis 2009, il participe à une recherche consacrée aux mutations organisationnelles dans la fonction publique, concernant notamment les fusions des administrations régionales de l’environnement, de l’industrie et de l’équipement.
 

Nicolas DODIER : La dualité de statut des êtres collectifs au cœur des procès pénaux

Les procès pénaux constituent, pour les individus qui y participent comme parties civiles, des moments dans lesquels ceux-ci sont en mesure de convoquer, autour de leurs affaires, des êtres éminemment collectifs, que ce soit au titre de victime, de juge, d'accusé, ou de public. Le caractère de globalité, de généralité, ou d'impersonnalité des êtres collectifs constituent alors autant d'atouts. Mais les individus cherchent également à faire valoir dans ces mêmes procès l'implication de personnes singulières, êtres de chair et d'os qu'il est essentiel d'atteindre ou de rendre présentes. Les mêmes caractères qui valorisaient les êtres collectifs se retournent alors contre eux. C'est cette dualité pratique des êtres collectifs telle qu'elle est éprouvée par les individus dans le cadre des dispositifs pénaux, qui sera explorée dans cette communication.

Nicolas Dodier est sociologue à l'Institut-Marcel Mauss, directeur de recherche à l’INSERM et directeur d’études à l’EHESS. Ses recherches ont porté principalement sur les risques, la technique, le travail et la médecine, en s’attachant à développer les outils d’une sociologie pragmatique. Il s’intéresse actuellement à la réparation des accidents et des situations de violence.

Publications

L’expertise médicale, Métailié, 1993.

Les hommes et les machines, Métailié, 1995.

Leçons politiques de l’épidémie de sida, Editions de l’EHESS, 2003.

 

Antoine DORÉ : Le public, l’individu et l’expérience des mondes (en) communs: lire Dewey au prisme d’une controverse environnementale

Partant de l’affirmation de John Dewey (1939, p.91), selon laquelle, "[...] les individus sont, en dernière analyse, les facteurs décisifs de la nature et du mouvement de la vie sociale", cette communication entend explorer la consistance ontologique des êtres collectifs dans les philosophies pragmatistes au prisme d’une analyse empirique de la composition des publics liés à la présence controversée des loups en France. Après avoir décrit le travail de médiation à partir duquel adviennent et circulent concomitamment des "loups menaçants", des "loups menacés" et leurs publics respectifs, il s’agira de rendre compte de la manière dont s’expérimente, avec plus ou moins de succès, une diplomatie de la "guerre des loups" qui participe de ce que Dewey appelle "l’organisation du public". Dans cette diplomatie expérimentale, nous montrons que l’articulation des intérêts discordants ne relève d’aucune inhérence préétablie, mais d’un travail collectif de mise en cohérence qui doit constamment être répété ou réinventé.

Antoine Doré est post-doctorant CNRS au laboratoire PACTE de Grenoble et chercheur associé au Centre de Sociologie des Organisations (CNRS/Sciences-Po). Ses recherches portent sur les dynamiques de production, de mobilisation et de circulation des connaissances et des normes dans les modes de gestion et de gouvernement du vivant (environnement et agriculture).

Publications

Doré, A. (2011), Des loups dans la Cité. Eléments d'écologie pragmatiste, Thèse de doctorat; Institut d'Etudes Politiques de Paris et Université de Liège.

Doré, A. (2010), "Le devenir politique des corps recomposés: la circulation des animaux dans l'espace public", Sociologie et Société, XLII (2), 181-204.

Doré, A. (2010), "Promenade dans les mondes vécus. Les animaux peuvent-ils être des interlocuteurs de l'enquête socio-anthropologique?", Sociétés, 108 (2), 33-45.

 

Véronique ELLENA : Révéler le monde. Les Invisibles

Que se passe-t-il avant une prise de vue? Avec quelles idées préconçues ce moment est-il abordé, puis vécu. Comment la réalité recadre-t-elle ensuite l'intentionnalité? La main d'Antonio, par exemple, est-elle celle d'un riche prélat ou celle d'un voleur de rue. Cette main est-elle celle d'un vivant ou celle d'un mort? Ensuite, l'image encadrée, puis accrochée sur les cimaises, ne m'appartient finalement plus. L'intentionnalité de nouveau explose, se diffracte, se perd dans les regards, les cerveaux et les émotions de ceux qui regardent. Cette matérialisation des entités photographiées provoque ensuite (et parfois) des sensations et des réflexions. D'où viennent ces sentiments? Comment cheminent-ils pour affleurer lors de la vision de l'image? Qu'activent-ils de personnel ou, au contraire, de communautaire chez le regardeur?

Véronique Ellena a fait ses études à l'Ecole Nationale Supérieure des Arts Visuels de la Cambre à Bruxelles. Elle obtient le Prix Jules et Marie Destrée et expose au Musée de la Photographie de Charleroi (1993). Au terme de ses études, elle est sélectionnée pour le Prix de la Jeune Peinture belge et expose au Palais des Beaux-Arts de Bruxelles (1996). Elle collabore pendant quatre ans avec le galeriste Rodolphe Janssen (Bruxelles). Ses images intégreront la collection de la Caisse des Dépôts et Consignations de Paris, laquelle, léguée au Centre Georges Pompidou, a fait l'objet d'une exposition: "Les peintres de la modernité" en avril 2007. Ses photographies sont présentent dans de nombreuses collections privées et publiques (Musée National d'Art Moderne Centre Georges Pompidou, Fond National d'Art Contemporain, Musée de la Photographie de Charleroi, Frac Ile de France...). Parmi les prix, bourses et résidences qu'elle a obtenus, la plus récente est la Villa Médicis à Rome en 2007/2008; les lieux de ses expositions, en France et à l'étranger, sont : Galerie du Château d'eau Toulouse; Musée Malraux, le Havre; Sungkok Museum, Séoul; Casino, Luxembourg; Villa Médicis, Rome...) et l'été dernier à Arles, Christian Lacroix / Musée Réattu. Elle a rejoint depuis 1996 la Galerie Alain Gutharc à Paris.

 

Jean-Noël FERRIÉ : Dieu et les croyants. Un être divin peut-il être adoré par un être collectif ?

Si la relation à un être divin peut aisément être décrite comme une relation interpersonnelle, la relation entre les croyants, leur identification commune donne naissance à un être collectif. L'expérience de l'appartenance à un être collectif - pour autant qu'elle puisse être adéquatement décrite - est-elle une expérience du divin? On tentera de clarifier ces questions à partir d'une approche praxéologique.

 

Frédéric FOREST : Comment concevoir un sujet sans inconscient, un inconscient sans sujet ?

Une institution, un Etat, une entreprise, une publicité tiennent des discours, sans interruption, inépuisables, sans arrêt. Que sont ces institutions et ces dispositifs sans ces discours? Ils peuvent ainsi apparaitre comme la consistance même de ces êtres collectifs. Mais où est donc alors le sujet de ces énoncés institutionnels? Non réductibles à une personne physique qui serait le représentant du collectif, le discours institutionnel semble pourtant procéder d'un vouloir particulièrement ferme. Qu'est ce que penser un sujet sans inconscient? A l'inverse, qu'est ce qu'un inconscient collectif sans sujet de l'énonciation? Un être collectif peut il vouloir tout en étant qu’un sujet de l’énoncé? Et, surtout, peut-il par conséquent être ambivalent? On s'interrogera sur ces dimensions frontières entre consistance du sujet collectif et inconsistance du sujet individuel.

Frédéric Forest est docteur en sciences politiques, diplômé en psychologie et en psychanalyse et chercheur associé au centre de recherche psychanalyse médecine et société (CRPMS) à l’université Paris 7 Diderot. Il est par ailleurs administrateur civil, diplômé en finances et exerce en tant que sous-directeur au ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche.

Il a notamment écrit: Freud et la science, éléments d’épistémologie, Anthropos Economica, 2010.

Il a notamment dirigé Les universités en France, fonctionnement et enjeux, PURH, 2012.

 

Jean-Louis GENARD : Intentionnalités, capacités et politique publique

La mise en dispositifs des notions de capacités et de compétences principalement mais pas seulement au sein des politiques publiques, une mise en dispositif qui en appelle alors à des ajustements des acteurs, interpellés, appelés à en répondre, l'appel étant bien entendu le symptôme d'une présupposition d'intentionnalité.

 

Dominique GUILLO : Les sociétés animales: apports croisés des sciences de la vie et des sciences sociales

L’objectif de cette communication est de poser la question de l’intentionnalité dans les collectifs animaux à un double niveau. Il s’agira tout d’abord, brièvement, d’analyser la manière dont la biologie conceptualise aujourd’hui la notion d’espèce, et les ruptures introduites sur ce thème par le néo-darwinisme avec le concept de population. Ensuite, après avoir tracé à grands traits la manière dont l’éthologie pose aujourd’hui la question de la socialité et de la culture dans le monde animal, on se demandera en quel sens on peut considérer que certains animaux sont des acteurs sociaux et culturels, en particulier dans leurs interactions avec les humains, à partir d’arguments tirés des sciences sociales et également, pour une part, des sciences de la vie.

Dominique Guillo est directeur de recherche au CNRS en sociologie (Centre Jacques Berque, Rabat). Ses recherches portent sur les liens entre sciences sociales et sciences de la vie. Il dirige le programme ANR LICORNES, consacré au thème nature / culture.

Publications:

Les figures de l’organisation, PUF, 2003,

La culture, le gène et le virus, Hermann, 2009,

Ni Dieu, ni Darwin. Les français et la théorie de l’évolution, Ellipses, 2009,

 Des chiens et des humains, Le Pommier, 2009.

 

 Annette LEIBING : Des réalités co-existantes: la consistance d'une procédure expérimentale dans le domaine médical

Coexistent realities: Stem cell researchers and the uncertainty of truth

The application of autologous bone marrow stem cells for heart disease has been and is being tested in over 100 clinical trials around the world. A number of factors play a role in explaining the popularity of this specific procedure. The apparent simplicity of the procedure is one reason, which also results in an easy acceptance by patients,  and a convincing reasoning of stem cell researchers in favor of this intervention. However, interviews with researchers showed that within the same interview different kinds of reasoning, even contradictions, and lots of uncertainty can be found. This talk explores what Annemarie Mol has called "coexistent realities" - the multiple, co-existing kinds of reasoning, which we found in interviews with stem cell researchers in Canada working on cardiac disease - and their struggle for certainty in need for funding, acceptance, and knowledge making.

Annette Leibing, anthropologue et professeure titulaire à la Faculté des sciences infirmières de l’Université de Montréal, est chercheure du CAU en gérontologie sociale du CSSS Cavendish (FQRSC) depuis 2004, et à l’équipe MÉOS depuis 2005. Son PhD en anthropologie de l’Université de Hambourg (1995) portait sur les différentes épistémologies dans la psychiatrie brésilienne. Elle a obtenu en 1995 un poste de professeure à l’Institut de psychiatrie de l’Université fédérale de Rio de Janeiro au Brésil, où elle a effectué des recherches sur la maladie d’Alzheimer. Elle a aussi été fondatrice d’un centre psycho-gériatrique publique. Durant son stage postdoctoral (2000/2001) à l’Université McGill, A. Leibing a poursuivi ses travaux sur la maladie d’Alzheimer. Elle a réalisé plusieurs monographies et articles scientifiques en diverses langues, en collaboration avec plusieurs groupes de recherche nationaux et internationaux. Ses intérêts de recherche se rapportent au vieillissement, aux maladies associées au vieillissement comme les  maladies d'Alzheimer et Parkinson, la santé mentale et les médicaments, et les nouvelles biotechnologies.

 

Jacques LOLIVE : La fabrication controversée des collectifs du fleuve Var

Depuis un siècle et demi, le fleuve Var n'a cessé de faire l'objet d'appropriations et de transformations diverses (extraction de granulats, digues, seuils, urbanisation en lit majeur et même en lit mineur) suscitant la fabrication (re-composition) de plusieurs collectifs inattendus qui brouillent les limites entre nature et société:

1) un collectif Var disponible pour l'artificialisation. Ce Var est un fleuve moderne, une réalité unitaire, objective, stabilisée et maîtrisable dans le monde cartésien des aménageurs et de l'expertise. C'est un objet qui se prête "docilement" aux projets des aménageurs et des urbanistes;

2) un collectif risque produit de l'action modernisatrice est révélé par la crue du Var de 1994 et les controverses qui s'ensuivent. Ce Var est le fleuve artificialisé, un hybride "sauvage" qui déborde les actions humaines de manière inattendue parce qu'il est lui-même une entité instable, une réalité proliférante, composite et mal contrôlée;

3) un collectif de nature en ville qui est le produit complexe de l'artificialisation du fleuve, de l'adaptation des espèces animales et végétales et de la mise en œuvre des procédures de protection de l'environnement. Ce Var est un support de biodiversité, un archipel de zones naturelles "à protéger";

4) un collectif métropolitain tiraillé entre la visée stratégique du développement urbain de Nice et l'ouverture aux questions environnementales. L'éco-vallée du Var "veut" être une vitrine du développement durable qui s'appuie sur la consistance des normes et les expérimentations urbaines.

Jacques Lolive est directeur de recherche au CNRS en science politique et aménagement au sein du laboratoire PACTE. Il analyse la question environnementale dans ses relations avec l'aménagement et sous différents perspectives: comme construction d'une cause collective, comme enjeu d'aménagement, comme risque environnemental et comme relation environnementale sensible et esthétique. Il a notamment coordonné en 2003, avec Olivier Soubeyran, le colloque de Cerisy, L'émergence des cosmopolitiques, publié à la Découverte, Paris, 2007.

 

Isabelle MAUZ & Coralie MOUNET : Connaître par traces: le suivi des loups en France

Pister et piéger les loups nécessite une fine connaissance des traces laissées par ces animaux ainsi qu’une capacité à les mettre en récit, à leur donner du sens, en retraçant des comportements et des intentionnalités passés. La "trace" constitue un élément clef de la connaissance des animaux sauvages tels que les loups, dont la présence élusive interdit ou rend difficile un suivi direct des populations. Nous nous intéresserons aux dimensions pragmatiques d’une telle "connaissance par trace" (Ginzburg, 1980), en pointant les similarités dans la construction de savoirs différents, relevant de la lecture des empreintes au sol comme de l’analyse génétique des restes d’ADN présents dans les fèces des animaux. En particulier, nous montrerons la dépendance de ces savoirs à la matérialité de la trace, la nécessaire mise en récit de la trace dans son interprétation, et enfin la nécessité de s’affranchir des contingences matérielles de la trace dans le processus de certification de l’information.

Isabelle Mauz est chercheure en sociologie à Irstea, à Grenoble. Ses travaux de recherche s’inscrivent dans le champ de la sociologie de l’environnement et de la sociologie des sciences. Ils portent actuellement sur les institutions et modes de connaissance et de gestion de la biodiversité.

Coralie Mounet est chargée de recherches au Cnrs, au laboratoire Pacte à Grenoble. Ses travaux de recherche en géographie portent sur les relations hommes / animaux sauvages.

Publications

Mauz I. (2008), Les collectifs et leurs natures. Un parcours sociologique, des animaux emblématiques à la biodiversité, Mémoire d’HDR Spécialité Sciences juridiques, politiques, économiques de gestion, Cemagref, Grenoble ; Université Jean Monnet, Saint Etienne.

Mauz, I. (2005), Gens, cornes et crocs, Paris: Cemagref, Cirad, Ifremer, Inra.

Mounet C. (2007), Les territoires de l’imprévisible. Conflits, controverses et "vivre ensemble" autour de la gestion de la faune sauvage "à problème". Le cas du loup et du sanglier dans les Alpes françaises, Thèse de doctorat de géographie, Université Joseph Fourier, Grenoble I.

Mounet C., Mauz I. et Granjou C. (soumis), "Performer la "bonne" distance entre hommes et animaux: une lecture sociologique des pratiques de gestion de la faune sauvage", ethnographiques.org.
 

Catherine RÉMY: Quand l'animal fait et fait faire. Pourquoi étudier l'attribution d'intentionnalités aux animaux dans les situations sociales?

Dans cette communication, il s’agira de revenir sur le développement en France depuis une quinzaine d’années de ce que l’on peut appeler les "études animales" (de l’anglais "animal studies"). Dans un premier temps, j’évoquerai la tradition ethnologique française: si les ethnologues se sont depuis longtemps intéressés aux animaux, leur approche a été dominée par le paradigme de l’animal-représentation. Dans un second temps, je présenterai un ensemble de travaux qui ont remis en question ce paradigme et ont appréhendé l’animal comme un corps ou bien encore une présence active qui agit et fait agir les humains en retour. J’évoquerai ici les enquêtes que j’ai pu mener sur ces questions des relations homme-animal et montrerai comment cette approche éclaire sous un nouveau jour les situations sociales ou les pratiques étudiées. Enfin, j’aimerai évoquer les limites de ce "tournant animaliste" en sociologie et en anthropologie. Si l’animal est bien une présence agissante, il n’en demeure pas moins qu’une asymétrie demeure entre humains et non-humains. Cette asymétrie doit conduire le sociologue à ne pas négliger dans ces enquêtes la question de la différence ou des différences entre l’homme et l’animal.

Catherine Rémy est chargée de recherche au CNRS et membre du Centre de Sociologie de l’Innovation, Mines ParisTech. Ses travaux portent sur l’évolution des concepts de nature et de culture à travers la question du rapport des hommes aux animaux, et plus récemment sur les controverses socio-techniques relatives aux innovations biomédicales, notamment dans le domaine de la transplantation d’organes.

Elle a récemment publié La fin des bêtes. Une ethnographie de la mise à mort des animaux, Paris, Economica, 2009.

 

Guy SAEZ : La 'bonne volonté' culturelle. Institutionnalisation des représentations et retournement des intentionnalités

En 1849, R. Wagner propose une théorie révolutionnaire du théâtre national populaire et de l’œuvre d’art de l’avenir; quels liens entre ces théories et le festival de Bayreuth, manifestation la plus socialement exclusive qui soit, dès sa création? En 1971, une politique de "développement culturel" est proposée en France; en 1982, une administration spécifique lui est dédiée (la Direction du développement culturel) pour faire triompher le principe de politique culturelle qui lui est le plus opposé. A partir de ces deux exemples, on montrera les aléas du travail de l’institutionnalisation des représentations et des interprétations sociologiques qui veulent en rendre compte. Le partage de la culture sera saisi ici comme un mythe producteur de constructions récurrentes de réparation d'un manque qui, encore et toujours, semble manquer son objet. Mais c’est aussi l’un des mythes les plus puissants en démocratie puisqu’il est sommé d’unifier des collectifs et de leur donner du sens, voire une consistance.

Les travaux de Guy Saez s’inscrivent dans une sociologie de l’action publique, à la croisée du champ de la politique culturelle (histoire, idéologies, institutions, acteurs) et de la recomposition des systèmes territoriaux (coopération, décentralisation et régionalisation, effets transnationaux). Ils concernent une double construction: celle de la société interculturelle à l’ère mondialisée et celle de la société interterritoriale, réglée par des innovations institutionnelles et des procédures de coopération menant à la transition territoriale des systèmes politiques.

Publications

Guy Saez, Jean-Pierre Saez (dir.), Les nouveaux enjeux des politiques culturelles. Dynamiques européennes, Paris, La Découverte, 2012, 400 p.

Guy Saez, Geneviève Gentil, Michel Kneubühler (coord.), Le Fil de l’esprit. Augustin Girard, un parcours entre recherche et action, Paris, La Documentation française, 2011, 333p + CD audio.

 

 

Anne TRICOT : La perception sensible de l’environnement. Petite discussion autour de concepts et méthodes utilisés dans le cadre d’une recherche interdisciplinaire

Une discussion autour de la notion de perception de l’environnement sous l’angle du sensible. La condition sensible est souvent rangée au second plan comme si elle ne représentait pas une dimension importante des relations humaines à l’environnement; la notion de perception, qui plus est dans le champ du risque, se trouve souvent reléguée à une attitude passive, irrationnelle et peu connectée à l’action. A l’appui des travaux de J.-J. Gibson et de son concept d'"affordance" (1979) il s’agit de proposer une analyse de la perception comme activité située, rattachée à un contexte dont le propre est de donner du sens à l’environnement, à partir d’indices organisant notre attention et construisant des perspectives (I. Joseph, 2002). Il s’agit d’un sens partageable (et non d’un monologue intérieur) par une pluralité humaine et, en cela, il se relie à l’action. Les travaux d’A. Pecqueux (2012), prolongent la réflexion autour du concept d’affordance par la "perception d’événements", notion que nous avons reprise à notre compte car elle s’applique particulièrement bien à cet "existant collectif" et "doté d’intentionnalités" que constitue l’espace littoral. A l’interface terre-mer, par définition mobile, le littoral renvoie à une relation environnementale ambivalente, marquée par l’inquiétude et le risque, mais aussi le plaisir et le soin des lieux. Ce sont alors ces intentionnalités que l’on se propose de comprendre dans nos interactions avec l’environnement.

Anne Tricot est ingénieure au CNRS à l’UMR PACTE 5194. Ses travaux initiaux ont porté sur les questions d’habitabilité des espaces à risques d’inondations (confrontant l’expérience humaine aux normes de planification et de prévention des risques). Aujourd’hui elle s’intéresse à la thématique de l’eau dans la ville interrogée sous l’angle des risques mais aussi des adaptations des villes aux enjeux climatiques. Ses travaux accordent une attention particulière aux méthodes qualitatives et participatives utilisant des supports (photographiques, littéraires) pour rendre compte de la perception sensible à l’environnement.

Publications

A. Tricot., (2009), "Vers une écologie urbaine du risque? Entre logiques sécuritaires et logiques de l’habiter", dans  Fabrizio Cantelli, Marta Roca i Escoda, Joan Stavoo-Debauge et Luca Pattaroni, (dir), Sensibilités pragmatiques. Enquêter sur l’action publique, Bruxelles, P.I.E. Peter Lang, 2009.

A. Tricot et ali (2012), Capacités d’adaptation des sociétés littorales aux risques d’érosion, submersion en prise aux changements climatiques, programme GICC MEDTL 2008, rapport final août 2012 (partenaires: GEOMER, CRESSON, GSPM, CERSES, PACTE coord.).

A. Tricot, Lolive J., (à paraître 2013), "La prise en considération de la question climatique en situation controversée: l’exemple de deux communes littorales bretonnes, Gâvres et Guisseny", contribution à ouvrage collectif F. Bertrand (UMR CITERES-Tours), L. Rocher (UMR RIVES-Lyon) (dir.), Les territoires face au changement climatique. Observations et réflexions sur la 1ère génération des politiques climatiques locales, Peter Lang Edition.

 

 

Danny TROM : L'expérience des collectifs politiques

La sociologie est mal à l’aise lorsqu’il en va d’entités politiques de grandes tailles. Elle ne sait comment les appréhender. Une division du travail s’est établie entre une sociologie historique qui les saisit immédiatement comme des entités agissantes mais qui demeure silencieuse sur leur consistance, et une sociologie de l’action qui ne les prend en compte qu’en tant qu’elles sont convoquées dans les interactions, donc entièrement dépendantes de nos pouvoirs de nomination. Ma communication formule des propositions pour remédier à cette  difficulté à l'intérieur du cadre d’une sociologie de l’expérience.

Danny Trom est sociologue, chercheur au CNRS, membre du Laboratoire Interdisciplinaire d’Etude des Réflexivités (LIER) de l'’Institut Marcel Mauss (EHESS). Il a notamment coordonné avec Laurence Kauffman Collectifs, collectifs politiques, Paris, Editions de l’EHESS (collection "Raisons Pratiques", 19), 2009.

 

 

Julien WEISBEIN : L'Europe par en bas. Ou comment réinterpréter certaines notions des European studies: européanisation, gouvernance multi-niveaux, société civile européenne

Les "études européennes" constituent un segment scientifique de plus en plus autonome à partir de l’argument selon lequel l’irréductibilité de son objet, présenté comme sui generis, rendrait nécessaire de forger un nouvel arsenal théorique, notamment alternatif aux canons usuels de la sociologie politique qui resterait trop stato-centrée ou trop dépendante de définitions dépassées du politique. Sur la base d’une enquête ethnographique menée au sujet d’une association française de surfeurs, il s’agira au contraire de voir en quoi une approche et des concepts de sociologie pragmatique (régimes d’engagement, axiomatique des cités) peuvent permettre de déplacer les façons de concevoir et de mettre en formes théoriques les objets de recherche dans les études européennes (avec les notions d’européanisation, de gouvernance multi-niveaux ou de société civile européenne) et donc de révéler de nombreux angles morts de ces approches.

Julien Weisbein est Maître de conférences de science politique à Sciences-Po Toulouse et directeur du LaSSP (Laboratoire des sciences sociales du politique, EA4715).

Publications

"La "société civile européenne" comme appui axiologique au gouvernement de l’Union européenne", in Bertrand Vayssière, dir., Reflets de la construction européenne. Réflexions, références et refus du débat sur l’Europe, Bruxelles, PIE Peter Lang, 2012, p. 329-344.

Julien Weisbein (avec Xabier Itçaina) dir., Marées noires et politique. Gestion et contestations de la pollution du Prestige en France et en Espagne, Paris, L’Harmattan, 2011.

"Vers une sociologie pragmatique de l'UE?", Politique européenne, n°33, 2011/1, p. 263-276.

(avec Philippe Terral), "Ce que savent les surfeurs: formes de traduction entre savoirs situés et registre expert dans le monde social du surf", in Yann Bérard, Renaud Crespin, dir., Aux frontières de l'expertise. Dialogues entre savoirs et pouvoirs, Rennes, PUR, 2010, p. 65-77.

(avec Romain Pasquier), "L’Europe au microscope du local. Manifeste pour une sociologie politique de l’intégration communautaire", Politique européenne, n°12, hiver 2004, p. 5-21.

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